La Nuit étoilée de Van Gogh, plus couleur que noirceur

Pour certains, il s’agit de son plus grand chef-d’œuvre. D’aucuns soupçonneront également que la Nuit étoilée reflète les difficultés psychologiques rencontrées par Van Gogh, ayant conduit à son suicide au jeune âge de 37 ans.

Une chose est sûre, l’œuvre postimpressionniste ne laisse personne indifférent, car elle transmet une vision de la nuit plus sereine qu’à l’ordinaire, comme s’il s’agissait d’une invitation à la contemplation et à la méditation. Dans le même temps, peut-être le peintre s’extrait-il de son dessin, comme se sentant étranger à la vie qui s’y déroule – ou au monde en général. A noter que deux œuvres de Nuit étoilée ont été produites par l’artiste, la première en 1888 et que nous évoquerons ici, la seconde l’année suivante.

Van Gogh, intrigué par les étoiles

Vincent Van Gogh est donc né en 1853 pour s’éteindre en 1890 dans les bras de son frère Théo, après s’être tiré un coup de revolver dans la poitrine et avoir souffert durant deux jours, à la fin juillet. Deux ans plus tôt, c’est son arrivée à Arles en février 1888 qui, selon toute vraisemblance, voit l’artiste s’intéresser plus particulièrement à la nuit et envisager de matérialiser sur une toile ce qu’il voit de beau en elle.

Plusieurs écrits témoignent de cette préoccupation dans les mois qui suivent. A son frère Théo, il indique vouloir « une Nuit étoilée avec des cyprès ou, peut-être, au-dessus d’un champ de blé mur ». A son ami peintre Emile Bernard, il s’agace : « mais quand donc ferai-je le ciel étoilé, ce tableau qui, toujours, me préoccupe ? ». Puis, dans une lettre à sa sœur Wilhelmina, il affirme : « je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour, colorée des violets, des bleus et des verts les plus intenses. Lorsque tu y feras attention tu verras que de certaines étoiles sont citronnées, d’autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis. Et sans insister davantage il est évident que pour peindre un ciel étoilé il ne suffise point du tout de mettre des points blancs sur du noir bleu »

Une œuvre qui donne des couleurs à la nuit

L’appréciation livrée à sa sœur dans cette lettre, décide Van Gogh à passer à l’acte en septembre 1888. Choisissant intelligemment un endroit au bord du Rhône lui permettant de capter les reflets de l’éclairage au gaz sur l’eau du fleuve, il retranscrit les couleurs nocturne qu’il perçoit. Elles sont en grande majorité dans les tons bleus : bleu de Prusse, outremer ou de cobalt. Le ciel clair à l’horizon car illuminé par la ville, s’assombrit en montant au firmament. Quant aux étoiles représentées, elles scintillent tels des diamants, et certaines forment une figure aisément reconnaissable : la Grande Ourse.

Les lumières de la ville apparaissent orangées sur la surface de l’eau, tranchant nettement dans l’obscurité et animant le panorama. Un couple d’amoureux présent sur la jetée, renforce l’impression de sérénité qui se dégage de l’ensemble et contribue à faire de la nuit un temps romantique et doux, plutôt qu’un sujet d’inquiétude.

La place importante laissée au ciel nocturne, peut également évoquer l’insignifiance de l’être humain face à l’immensité du ciel. La même observation peut d’ailleurs être faite concernant la largeur du fleuve. La ville n’apparaît que comme un mince ruban, un déroulé de la brève vie humaine. En tout état de cause, le tableau apparaît moins sombre que d’autres œuvres traitant de la nuit à la même époque, comme la Nuit d’été réalisée en 1890 par Winslow Homer.

La destinée du tableau

Pour l’anecdote, la tranquillité toute méditerranéenne émanant de la toile n’est pas comparable avec l’agitation habitant l’esprit du peintre. En décembre 1888, il menace ainsi Gauguin avec une lame de rasoir, avant de la retourner contre lui-même pour se trancher l’oreille.

Une fois achevée, la Nuit étoilée a d’abord été exposée en 1889 en même temps qu’une autre toile de Van Gogh, les Iris, à l’exposition annuelle de la Société des artistes indépendants à Paris. Vous la retrouverez aujourd’hui, toujours dans la capitale, au Musée d’Orsay.

Vincent Van Gogh a laissé derrière lui une production impressionnante de 900 peintures et 1 100 dessins et croquis. A sa mort, son frère hérite de tout, puis l’épouse de ce dernier lorsqu’il décède, Johanna Bonger-Van Gogh. Si la collection n’a pas alors une grande valeur marchande, Johanne et l’entourage de Van Gogh s’attèlent à faire connaître son talent et ses lettres qui seront publiées d’abord dans des revues, puis sous forme d’ouvrages.

Le panorama figé par Van Gogh il y a plus de 130 ans dans la Nuit étoilée, existe toujours aujourd’hui. Une photographie en atteste, qui est saisissante de ressemblance avec la toile. Pour admirer l’œuvre donc, deux choix s’offrent à vous : vous rendre au Musée d’Orsay, ou sur les bords du Rhône !