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Guerre en Ukraine : quelles conséquences sur le marché immobilier français ?

30 mars 2022

Le contexte géopolitique actuel a des conséquences sur la plupart des domaines de notre vie, même si elles ne sont pas d’une évidence immédiate. L’immobilier ne fait pas exception et la guerre modifie sensiblement la donne, par des conséquences plus ou moins directes. Les ménages comme les professionnels de la pierre ont tout intérêt à tenir compte de ces changements pour adapter leurs projets respectifs. Tentons de décrypter ce qui, à court terme, devrait impacter le marché immobilier français.

Une baisse du pouvoir d’achat immobilier

Tout semble devoir coûter plus cher aux ménages, notamment en ce qui concerne l’immobilier. L’inquiétude est donc légitime, quant à leur capacité à réaliser leurs projets et donc, à faire fonctionner le marché immobilier.

Hausse des prix de la vie courante

Le gouvernement la décrit comme une inflation importante, voire galopante : le prix final de beaucoup de marchandises dites « essentielles » progresse fortement. Si certaines hausses interrogeaient déjà il y a plusieurs mois (le prix des fruits et légumes, du bois et de l’énergie notamment), le conflit russo-ukrainien semble porteur d’une forte aggravation de l’inflation : bien des produits confectionnés à l’est ou nécessitant des matières premières issues de l’est, peinent à parvenir sur notre sol et voient donc leur prix augmenter mécaniquement.

Quant à l’énergie, il ne s’agit pas uniquement de celle nécessaire pour nous chauffer et nous éclairer, même si ce point pose problème et nécessite une intervention croissante de l’Etat pour protéger le budget des ménages. De nombreux produits manufacturés nécessitent notamment du pétrole pour être fabriqués – citons le plastique – et la flambée des prix à la pompe impacte par ailleurs les industries contraintes d’augmenter leurs prix en conséquence.

Le reste à vivre des ménages se voit ainsi réduit, après avoir réglé des factures d’électricité et de gaz plus onéreuses, et avoir acheté des produits plus cher en magasin.

Flambée du prix des matériaux

Cuivre, bois, tuiles, acier et autres : insistons en particulier sur l’augmentation du prix des matériaux, qui affecte dans une large mesure le monde de l’immobilier. La Russie et l’Ukraine sont d’importants fournisseurs d’acier, dont le prix s’envole avec le conflit mais qui est nécessaire à la confection du béton armé. La Russie est par ailleurs le deuxième producteur mondial d’aluminium dont le coût à la tonne dépasse le seuil historique de 4 000 dollars : le prix des fenêtres et des pergolas s’en voit fortement impacté, quand la pénurie ne sévit pas.

Globalement, les constructeurs de logements neufs souffrent d’un approvisionnement plus onéreux et parfois incertain. De quoi pénaliser la rentabilité des contrats déjà établis et faire augmenter significativement les prix dans les prochains mois.

Ce sont toutefois les ménages qui subissent souvent de plein fouet les conséquences financières : les contrats de construction d’une maison individuelle (CCMI) intègrent une clause d’indexation du prix basée sur l’indice BT 01, lequel mesure la hausse des coûts de construction et ne cesse d’augmenter. Un surcoût de plusieurs milliers d’euros peut ainsi être réclamé par le constructeur, de bonne foi.

Du côté de l’ancien, les prix croissants des matériaux ne manqueront pas de mettre en péril les projets de rénovation, sans compter qu’ils risquent de ralentir les rénovations déjà engagées. De nombreuses transactions immobilières ont de plus pour objet l’acquisition d’un bien à rénover : l’incertitude géopolitique engendre une prudence qui ralentit sans nul doute déjà ce marché. Enfin, les ménages risquent d’opter pour une attitude attentiste, en anticipant un possible retour à la normale à la fin du conflit et une baisse des prix. Le raisonnement est le même pour ceux qui craignent un effondrement des différents marchés.

Remontée des taux de crédit

Enfin, on note une évolution positive des taux d’emprunt immobilier, qui se poursuit sous la pression inflationniste, aggravée notamment par la situation géopolitique. Après s’être maintenus à des niveaux historiquement bas même en 2020, la tendance inverse s’observe et semble devoir perdurer. Entre janvier et mars 2022, les taux ont repris entre vingt et quarante points de base, le vingt ans moyen passant de 1,10 % à 1,40 % brut. La fébrilité du marché bancaire confronté à la crise géopolitique conduit à poursuivre cette augmentation, qui ne pourra que réduire la capacité d’achat des ménages.

Au-delà du taux d’endettement autorisé, qui ne tiendra pas compte à court terme de l’inflation des prix, les ménages confrontés à la hausse des prix rencontreront des difficultés croissantes à honorer leurs mensualités de crédit, avec un risque de défaillance non négligeable. Les banques en sont conscientes et adoptent une politique propre à s’en prémunir : augmentation des taux mais également exigence d’une épargne résiduelle après apport par exemple.

Baisse du rendement locatif réel

L’investissement souffre également de la guerre, car la rentabilité est affectée par l’inflation. Si un investisseur compte sur une rentabilité de 3% et que l’inflation approche les 4% comme c’est le cas actuellement, son gain réel devient négatif. Remonter les loyers n’est pas la meilleure idée, car le locataire déjà confronté à l’augmentation des prix pourrait devenir défaillant.

Concrètement, le pouvoir d’achat immobilier diminue et la guerre en Ukraine, pas forcément à l’origine de tous les phénomènes, aggrave cependant fortement la situation.

Une dégradation du climat social

L’économie est liée directement au climat social du pays, c’est un fait. Un appauvrissement de l’ensemble (ou de la plupart) des acteurs ne peut que rendre plus difficile la cohabitation.

Le moral des ménages en berne

Conséquence logique mais plus subjective de tous les faits cités plus hauts : le moral des ménages souffre évidemment de la réduction des possibilités de consommer et de faire des projets. La prudence va conduire à épargner alors que les éléments essentiels de la vie courante coûtent plus cher : ce sont les loisirs qui vont en pâtir.

Ajoutons à cela l’inquiétude concrète ressentie face à un conflit armé dont l’ampleur finale est encore incertaine et les conséquences pas toutes envisagées : le moral des ménages s’en ressentira certainement. Or, l’espoir et la positivité sont les bases à l’origine de tout projet immobilier.

Des tensions probables au sein des entreprises

Autre effet potentiel de l’inquiétude liée à la guerre : une limitation des possibilités offertes aux salariés lors des négociations salariales. Si la compréhension peut être la règle de manière générale, il est envisageable que cela conduise à un climat de tensions après les élections présidentielles et si la situation – et le conflit – perdurent trop longtemps.

Soulignons au passage le risque accru de plans sociaux et la diminution du nombre d’embauches, faits évidemment défavorables au marché immobilier.

Un ralentissement logique du nombre de transactions

Tous ces éléments amènent une conclusion très logique : le nombre de transactions immobilières en 2022 devrait connaître un net recul. Si les chiffres doivent encore le prouver, on peut noter que l’année 2021 a été celle de tous les records et que les objectifs des professionnels de l’immobilier pour 2022 sont donc certainement (trop) ambitieux.

En 2021, pas moins de 1 178 000 transactions ont été recensées dans l’ancien : un sommet historique. On compte notamment près de 140 000 ventes de maisons individuelles et 116 700 logements neufs réservés par des particuliers (moins qu’en 2019 mais le nombre de permis de construire délivrés a nettement baissé).

Avant même le déclenchement du conflit ukrainien, le début de l’année 2022 présentait des signes de ralentissement de l’activité immobilière. Divers éléments peuvent l’expliquer, comme l’application de la norme RE2020 qui entraîne à elle seule une augmentation de 7% à 10% des coûts de la construction et qui explique sans doute que de multiples projets aient accéléré leur réalisation sur 2021. En ajoutant à cela la problématique du prix des matériaux, l’impact sur le budget des ménages envisageant une construction neuve pourra aller jusqu’à rendre le projet irréalisable. De quoi nettement freiner les ardeurs, pour le moins.

Une partie de ces projets non aboutis pourraient néanmoins voir des ménages se réorienter vers une acquisition dans l’ancien récent, avec des conséquences subsidiaires. D’un côté, cela pourrait limiter la baisse du nombre de transactions, mais cela priverait certains ménages de la possibilité d’acheter dans l’ancien à un budget raisonnable du fait de la concurrence accrue. On assisterait également à une diminution de l’offre immobilière, par la baisse du nombre de constructions neuves.

Comment vendre son bien immobilier dans un tel contexte ?

Pour les acquéreurs, seul un budget plus conséquent qu’à l’ordinaire pour procéder à l’acquisition souhaitée pourra s’avérer salutaire. Mais pour les vendeurs, terminons sur une note positive, avec quelques conseils pour se donner les meilleures chances de vendre son bien dans les meilleurs délais et au prix souhaité.

Tout d’abord, veillez à mettre en vente un bien avec le moins de travaux possible, car ils engendreraient une inquiétude immédiate dans l’esprit des acquéreurs potentiels pour toutes les raisons citées précédemment.

Ensuite et si vous le pouvez, patientez quelques semaines avant la mise en vente, que la situation se clarifie : en cas de fin du conflit, les sommes épargnées par attentisme pourraient être libérées d’un coup et l’activité immobilière s’en verrait nettement accrue. Vous auriez alors davantage de chances de vendre rapidement, et ne souffririez pas de l’effet de pérennité de votre annonce (un bien trop vu présente moins d’attrait).

Enfin, maximisez la qualité – et les qualités – du bien à vendre. Dans le contexte d’une offre ayant du mal à trouver preneur, seuls les biens les mieux présentés trouveront facilement acquéreur : dépersonnalisez, repeignez les murs défraîchis, remplacez les sols usés, etc. Sans oublier de travailler le visuel de votre potentiel jardin avec l’arrivée des beaux jours. Faites de votre bien un modèle, à moindre coût, et cela vous rapportera de l’argent !

Ajoutons un mot pour les investisseurs, qui auront tout intérêt à se tourner vers des investissements promettant une rentabilité supérieure à l’inflation record actuelle. La location meublée non professionnelle par exemple, dont le taux de rentabilité peut atteindre 7%.

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