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Taux d’usure : quel risque pour le marché immobilier ?

7 septembre 2022

Depuis le début de l’année et la remontée des taux de crédit immobilier, des difficultés se font sentir pour un grand nombre d’acquéreurs en quête d’une banque prête à leur allouer un crédit. La qualité des dossiers n’est pourtant pas en cause, et les demandes adressées aux banques sont aussi correctes qu’à l’accoutumée.

Le responsable serait le taux d’usure, dont le niveau plutôt faible au regard des taux de crédits actuels causerait le rejet d’un dossier sur deux. Qu’est-ce que le taux d’usure et quel impact occasionne-t-il sur la réalisation des transactions immobilières ? Faut-il appréhender l’avenir et revoir son potentiel projet immobilier à la baisse ? Explications.

Qu’est-ce que le taux d’usure ?

Le taux d’usure est une mesure de protection du citoyen, contre d’éventuels abus du secteur bancaire dont la position est dominante lorsqu’il s’agit d’allouer des emprunts. Il s’agit ainsi du taux maximal auquel les banques sont autorisées à prêter une somme d’argent – notons qu’il existe différents taux d’usure pour les divers types de prêts.

Les banques ont donc interdiction de dépasser le taux d’usure, calculé par la Banque de France de manière trimestrielle. L’appréciation se fait par rapport au taux annuel effectif global (TAEG), regroupant l’ensemble de la charge d’un prêt pesant sur un ménage. Celui-ci comprend alors :

  • Le taux nominatif du crédit,
  • Les coûts liés à l’assurance,
  • Les divers frais (frais de garantie, de courtage, de dossier, d’inscription, etc.).

Pour la petite histoire, la Banque de France calcule le taux d’usure à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit lors du trimestre précédent. En augmentant ce pourcentage d’un tiers pour aboutir au taux d’usure, elle offre habituellement une marge suffisante pour satisfaire à toutes les échelles d’appréciation des dossiers de crédit. Cela n’est pourtant plus le cas actuellement.

Un taux d’usure incompatible avec le contexte immobilier actuel

C’est un fait : le montant de prêts accordés par les banques a tendance à diminuer ces derniers mois. Alors que 22 milliards d’euros ont été prêtés en juillet, l’enveloppe du mois de juin s’élevait à 23 milliards, et celle de mai à 27 milliards d’euros.

Ce recul s’explique par le positionnement du taux d’usure à un niveau ne permettant pas aux banques de satisfaire à leurs obligations légales, dès lors que l’emprunteur concerné n’est pas éligible à un taux d’emprunt suffisamment bas. Concrètement, le TAEG se frotte à l’obstacle infranchissable d’un taux d’usure qui ne s’est pas assez rapidement adapté à la hausse des taux d’intérêt.

En cause, nous pouvons discerner un ajustement trimestriel tardant à répondre à une remontée brutale des taux d’intérêt, ainsi qu’une réaction quelque peu timorée de la Banque de France au regard de la situation. Depuis le 1er avril 2022, le taux d’usure était ainsi fixé à 2,40% pour un prêt sur 20 ans et plus. Il a été mécaniquement relevé à 2,57% au 1er juillet, puisque le taux de crédit moyen observé pour un prêt sur 20 ans entre avril et juin était de 1,93%. La Banque de France a donc estimé qu’aucune situation exceptionnelle ne justifiait un effort particulier sur le taux d’usure.

Son positionnement est pourtant encore insuffisant selon les professionnels du secteur immobilier, pour permettre aux dossiers plus fragiles d’obtenir gain de cause auprès d’une banque. Et dans les faits, leurs craintes se vérifient.

Les conséquences observées pour les emprunteurs

Le blocage concerne majoritairement les primo-accédants et les ménages jeunes mais aussi les séniors. L’achat de la résidence principale est concerné dans 71% des dossiers rejetés cette année, et 51% des refus liés au taux d’usure sont opposés à des emprunteurs âgés de 30 à 55 ans.

De manière globale, le sondage Opinion System commandé par l’Association française des intermédiaires en bancassurance (Afib) nous apprend également que près d’une demande sur deux de prêts immobiliers (45%) est refusée à cause du taux d’usure. Un nombre impressionnant de ménages se voient ainsi exclus de l’accès à la propriété, alors même que les dossiers peuvent être qualifiés de solides par les partenaires bancaires.

Pas d’effondrement du nombre de transactions

En premier lieu, il est essentiel de souligner que le marché immobilier se porte à merveille. Le nombre de projets soumis aux agences et même aux banques ne faiblit pas, bien au contraire. La seule difficulté provient de la finalisation des transactions, à cause d’un nombre conséquent de dossiers bloqués par les banques alors même qu’ils sont tout à fait finançables, eu égard au taux d’usure.

La mécanique décrite, si elle est de nature à retenir le nombre statistique de transactions relevées par les notaires, n’aura finalement pas grande conséquence si le taux d’usure est suffisamment relevé au 1er octobre prochain. La Banque de France offrira alors la possibilité à tous les acquéreurs de se positionner en fin d’année, qui devrait alors établir un record de transactions réalisées. Les professionnels de l’immobiliers prévoient – et réclament – la fixation du taux d’usure à 3%, ce qui devrait permettre de financer les dossiers plus fragiles mais normalement acceptables.

Au lieu d’un effondrement du marché, c’est plutôt l’inverse qui devrait se passer. Le dynamisme retrouvé pourrait même influer sur les prix, à la hausse face à une demande soudain redynamisée. Notons par ailleurs que pour l’heure, c’est surtout l’activité des courtiers qui est impactée, tandis que les banques prêtent plus facilement à leurs clients directs mais pourraient à terme buter sur l’usure également.

Si la Banque de France détient le pouvoir de débloquer la situation, elle n’agira en ce sens que si elle estime que le blocage de l’octroi des crédit est anormal. Ce qui n’a pas été le cas début juillet.

Comment financer un projet immobilier plus facilement ?

Pour terminer, soulignons que les ménages dont les dossiers se voient refusés ont encore une carte à jouer pour ne pas voir le bien immobilier de leur rêve leur passer sous le nez. En adressant une demande de déliaison à l’organisme prêteur, avant l’émission de l’offre de prêt, ils indiquent renoncer à l’assurance proposée par la banque – souvent par une offre groupée – et deviennent libres de choisir une assurance externe.

Attention, le contrat qu’ils entendent souscrire doit présenter un niveau de garantie équivalent au contrat proposé par l’établissement prêteur.

En supprimant l’assurance emprunteur du TAEG, celui-ci n’aura plus que peu de chances d’atteindre le taux d’usure et le projet pourra être financé.

S’entendre dire qu’un dossier sur deux est refusé auprès de la banque peut avoir un impact négatif sur le moral d’un ménage ayant un projet en tête ou en cours de réalisation et dont le dossier n’est pas exemplaire. Pour autant, la situation est temporaire et une évolution positive devrait avoir lieu au 1er octobre prochain. La possibilité de contourner le problème en externalisant l’assurance emprunteur est également rassurante. La seule information durable, est finalement que le marché immobilier se porte bien, et c’est tant mieux !

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