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Evolution du marché immobilier : la portabilité des prêts en question

19 décembre 2022
Evolution du marché immobilier : la portabilité des prêts en question

Dans cette période inflationniste poussant à la prudence et face au durcissement des conditions d’octroi de prêts, le marché immobilier entre dans une phase d’incertitude. Les théories vont bon train sur une éventuelle réduction de la demande qui semble effectivement débuter, qui s’accompagnerait d’une baisse des prix à confirmer.

A la recherche de solutions pour redynamiser le marché, les acteurs de l’immobilier représentés par la FNAIM (fédération nationale de l’immobilier) ont proposé à Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, de mettre en place un système de portabilité des prêts immobiliers. Revenons sur ce principe et analysons l’impact qu’il pourrait avoir en cas d’assentiment du gouvernement.

La portabilité des prêts, ça consiste en quoi ?

Pour faire simple, le système permet d’acquérir un nouveau bien immobilier en conservant le crédit immobilier déjà en cours de remboursement. Un emprunteur ayant, par exemple, souscrit un prêt sur 20 ans à un taux de 1% il y a 4 ans, peut alors simplement « changer d’adresse » sans aucune modification des conditions applicables à son contrat de crédit.

Ne pas contracter de nouveau prêt annihile le risque de voir son dossier refusé et facilite ainsi grandement la démarche de l’achat immobilier. En outre, cela permet de garder les mêmes conditions de taux et évite de payer les frais de remboursement anticipé du prêt existant.

Précisons que ce système de transfert de crédit existe déjà. Cependant, les banques rechignent à y faire appel et ne le proposent tout simplement pas, pour des raisons que nous évoquerons ci-après.

Des conditions précises existent aujourd’hui en ce qui concerne la portabilité des prêts immobiliers :

  • L’objet du bien doit être respecté : une résidence principale doit laisser la place à une autre résidence principale ;
  • La valeur du nouveau bien acquis doit être au minimum égale au capital restant dû sur le prêt à la date d’acquisition ;
  • Un prêt complémentaire à souscrire, devra impérativement être demandé au sein du même établissement bancaire et accordé en moins de six mois après le transfert ;
  • Aucune défaillance de remboursement ne doit avoir été constatée sur la période de remboursement du prêt déjà écoulée ;
  • La clause de transférabilité de prêt immobilier doit être indiquée dans l’offre initiale ;
  • L’organisme garantissant le prêt et l’assurance doivent autoriser le transfert.

Ajoutons que la portabilité pourrait très bien être attachée au bien : un propriétaire vendeur n’ayant pas de crédit à souscrire pour un nouvel achat, transfèrerait ainsi son prêt à l’acquéreur. Une nouvelle fois, l’assentiment de la garantie permettrait de simplifier la démarche.

Le parcours du combattant des emprunteurs immobiliers

Pour exposer plus clairement les raisons pour lesquelles la FNAIM propose d’instaurer la portabilité des prêts, il faut comprendre que les difficultés à obtenir des prêts, qui sont une réalité depuis plusieurs mois, compromettent fortement de nombreux projets immobiliers. Outre le frein à la réalisation d’un nombre de transactions élevé, cela interroge sur l’avenir du marché et un possible effondrement de la demande ainsi paralysée.

Concrètement, la difficulté rencontrée par les ménages emprunteurs s’explique ainsi :

  • Les banques exigent une situation financière plus solide qu’auparavant ;
  • La hausse des taux de crédit pénalise dans le même temps la qualité des dossiers ;
  • Le taux d’usure, fixé à 3,05% depuis début octobre, ne sera revu qu’à la nouvelle année et peine à permettre l’octroi de nombreux prêts au regard de la poursuite de l’augmentation des taux d’intérêt ;
  • L’inflation à plus de 6% sur un an que connaît notre économie durcit encore la prudence des banques, craignant que les dossiers un peu « justes » ne puissent défaillir.

Les conséquences de ces faits sont empiriquement constatées sur le marché immobilier : la vente dans le neuf stagne à un niveau historiquement bas et dans l’ancien, la demande faiblit. Les acquéreurs potentiels prennent d’une part conscience qu’acheter un nouveau bien pourrait être difficile, et adoptent d’autre part une attitude attentiste face à l’incertitude économique et rechignent à vendre leur bien actuellement possédé.

Ajoutons à cela l’obligation de rénovation des biens locatifs imposée par la loi. Dès 2025, ceux classés G sur le DPE seront interdits à la location, mais dès le 1er janvier 2023, la mise au rebut pour la location des habitations consommant plus de 450 kWh par mètre carré et par an pénalise encore le marché. Les banques, réticentes à accorder un prêt travaux à des propriétaires déjà endettés pour l’acquisition, font peser sur le marché locatif la même menace que sur celui de la transaction.

Taux crédit immobilier

Un impact logiquement positif sur la demande immobilière

Revenons à présent sur notre système de portabilité des prêts, qui pourrait solutionner une bonne partie des difficultés citées et ainsi, relancer un marché immobilier dont la demande devrait être portée par la motivation avérée des acquéreurs.

Le transfert de crédit n’avait pas grand intérêt durant les dernières décennies, synonymes de baisse continue des taux d’intérêt. Souscrire un nouveau prêt laissait alors une chance de payer son crédit toujours moins cher. Le renversement de la tendance soulève logiquement la question.

Introduire une possibilité légale de pouvoir faire appel à la portabilité des prêts au lieu de laisser sa mise en œuvre à la discrétion des banques, changerait certainement la donne : la plupart des crédits existant étant remboursés sans défaillance par des ménages ayant obtenu des conditions très avantageuses, la portabilité permettrait la concrétisation facile de nombreux projets pour le moment freinés ou remisés au placard faute d’un dossier suffisamment qualitatif – pour les exigences actuelles des banques.

Les banques, seules rebutées par l’idée

Relancer le marché immobilier et satisfaire aux envies des ménages, participer ainsi à la dynamique économique du pays en engendrant des projets annexes de rénovation : la portabilité des prêts est une idée que tout le monde applaudit ! Ou presque.

Les banques y voient plutôt une manière de contourner l’évolution de leur politique et surtout, un frein tout net à leur rentabilité. En effet, si le système est adopté, elles ne pourront plus prêter aux conditions d’aujourd’hui, qui leur rapportent bien davantage. En parallèle, elles ne percevront plus de frais de dossier et d’assurances aussi élevés. Enfin, les établissements bancaires seront contraints de se plier à de nouvelles procédures et donc, de financer un ajustement des pratiques voire de vraies formations.

Le ministre Olivier Klein a affirmé que la portabilité des prêts est une piste qu’il considérait attentivement pour redynamiser l’économie immobilière. Cette mise en lumière, dans le contexte que nous connaissons, pourrait conduire le gouvernement à obliger les établissements bancaires à la proposer plus activement voire, pour un effet rapide, à annuler l’obligation de clause figurant à l’offre de prêt. Affaire à suivre !

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