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Dansez au Bal du Moulin de la Galette grâce à Renoir!

7 juin 2022

Tout visiteur du Musée d’Orsay soudainement pris de l’envie d’un bain de foule, n’a qu’à se plonger dans la contemplation du Bal du Moulin de la Galette. Cette œuvre réalisée par Auguste Renoir en 1876 offre en outre une expérience apaisante, celle d’un dimanche après-midi à la guinguette : une scène typique de la fin du XIXe siècle à Montmartre. Zoom sur la formidable patte de l’illustre peintre, qui trouve bien sa place dans l’un des plus fabuleux musées parisiens.

Un tableau, une ode à la joie

Si le restaurant du moulin de la Galette existe toujours, il a sans aucun doute bien changé d’aspect depuis que Renoir a utilisé son talent pour le représenter dans un format respectable d’environ 1,31m par 1,75m. L’établissement – un grand hangar – doit son nom aux pains de seigle autrefois réalisés sur place, appelés « galettes », et au moulin sis juste à côté. L’ambiance assurément festive était par ailleurs due aux nombreux parisiens aimant y discuter ou y danser le dimanche.

Au-delà d’immortaliser certains de ses amis présents sur la scène, le peintre visait clairement à retranscrire l’atmosphère joyeuse et bon enfant de cet établissement populaire, emblématique de la vie de Montmartre de son époque et participant du début de l’ère des loisirs. Il y a foule et l’effet de mouvement, de vie baignée d’une lumière à la fois naturelle et artificielle, est traité grâce à des notes colorées et vibrantes.

L’œuvre s’articule solidement autour d’une diagonale séparant l’arrière-plan du premier plan et les danseurs des buveurs, ce qui est une prouesse en soi au vu du nombre important de personnages représentés. La lumière disparate, comme dansante et matérialisée par des tâches jaunes, bleues et roses, semble ainsi traverser le feuillage des arbres et contribue à égayer la scène au même titre que les sourires bien visibles sur les visages. Au lieu d’utiliser le flou pour distinguer la profondeur du tableau, Renoir s’est attaché à réduire progressivement la taille des personnages comme des bâtiments, lesquels pouvant former un troisième plan.  

On note deux détails particuliers : la tablée du premier plan, composée d’habitués du lieu et amis de Renoir tels les peintres Norbert Gœneutte et Franc-Lamy, et le couple de danseurs sur la gauche, semblant interrompre leur danse pour regarder le peintre et donc le spectateur.

Précisons enfin que le tableau semble coupé, grâce aux personnages dont il manque une partie du corps à gauche comme à droite. Le message du peintre est clair : il n’a capturé qu’un morceau de la réalité et rend ainsi hommage à la grandeur de l’évènement représenté.

Renoir, un artiste illustre mais torturé

Né en 1841 à Limoges, Auguste Renoir vécut jusqu’à l’âge respectable de 78 ans, avant de décéder (en 1919 donc) à Cagnes-sur-Mer. S’il souffrait de la maladie auto-immune la plus répandue en France, la polyarthrite, l’artiste n’a cependant pas démérité et présente une collection d’œuvres variées, pour un total de quelque 4 000 tableaux !

Et si en matière de peinture, Renoir nous laisse un héritage impressionnant de nus, portraits, paysages, marines, natures mortes et scènes de genre, l’homme a aussi été pastelliste, graveur, lithographe, sculpteur et dessinateur.

Il est le sixième enfant d’une fratrie de sept et issu d’une famille ouvrière, avec un père tailleur et une mère couturière. A l’âge de 13 ans, sa famille arrive à Paris et Auguste Renoir entame une formation de décorateur à l’atelier de porcelaine Lévy Frères & Compagnie. Il fréquente également les cours du soir de l’École de dessin et d’arts décoratifs durant 18 années, avant de réussir le concours d’entrée de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1862 et d’intégrer l’atelier de Charles Gleyre, où il rencontre Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley.

Sa carrière de peintre est marquée par des débuts mitigés, avec des œuvres acceptées au Salon mais pas toujours encensées par la critique – notons tout de même que son tableau Lise à l’ombrelle exposé en 1868 est positivement salué par un jeune critique nommé Emile Zola. Ladite Lise,  Tréhot de son nom, est une maîtresse qui servit souvent de modèle à Renoir et qui lui donna par ailleurs deux enfants, Pierre et Jeanne, nés respectivement en 1868 et 1870.

Sa carrière prend un tournant décisif lors d’un séjour avec Monet à la Grenouillère, sur l’île de Croissy-sur-Seine, où il peint en plein air, apprend les jeux de lumière et à bannir le noir pour représenter les ombres. C’est le début de sa période impressionniste, dont le Bal du Moulin de la Galette est peut-être l’œuvre la plus aboutie, qui s’inscrit à la suite des guinguettes du bord de Seine présentées par l’artiste en 1869 et témoigne de sa maîtrise des techniques liées à ce mouvement.

Pourtant, vers 1880, les toiles de Renoir ne se vendent plus et l’artiste décide de quitter le monde (et les expositions) impressionniste pour exposer de nouveau au Salon officiel. Il parvient à se faire connaître et reçoit un nombre croissant de commandes, notamment pour des portraits. Il affirme son nouveau style basé sur les effets de lignes, reconnaissable dans des œuvres célèbres comme le Déjeuner des canotiers peint entre 1880 et 1881. On aperçoit dans cette scène Aline Charigot, qui deviendra la femme d’Auguste Renoir en 1890 et lui donnera trois nouveaux enfants.

Le style de l’artiste variera dans les décennies suivantes, au gré de ses voyages et inspirations. Il acquiert en 1896 une maison à Essoyes, devenue l’atelier Renoir. Toute la famille s’y retrouve régulièrement jusqu’au décès du peintre en 1919. Des soucis de santé auront marqué les vingt dernières années de sa vie, en partie dus à une mauvaise chute en bicyclette en 1897 mais également à la maladie. A contrario, son art se porte bien et surtout, se vend bien.

Avant son décès, il aura pu visiter une dernière fois le musée du Louvre et y contempler certaines de ses œuvres des périodes difficiles. A noter qu’un musée Renoir est sis à Cagnes-sur-Mer, où il vécut ses dernières années.

Un mot sur le Musée d’Orsay

Après avoir figuré jusqu’en 1894 dans la collection privée Gustave Caillebotte, le Bal du Moulin de la Galette bénéficie d’une exposition au musée du Luxembourg puis au Louvre, avant d’être confié au Musée d’Orsay en 1986 au moment de son inauguration.

Le transfert est logique, le Musée d’Orsay présentant la plus importante collection impressionniste et postimpressionniste au monde, avec près de 1 100 toiles, au côté des quelque 3 600 autres œuvres présentes. On y retrouve ainsi certaines réalisations évocatrices comme le Déjeuner sur l’herbe de Manet, Les joueurs de cartes de Cézanne ou encore, La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas.

Le musée d’Orsay étend ses collections bien au-delà de la peinture, et vous pourrez y admirer pléthore d’objets d’arts décoratifs de la période 1848-1914, présentés hors de leur contexte sauf pour la salle à manger Charpentier de 1900. La collection témoigne de l’impact de la révolution industrielle sur la production d’objets, notamment décoratifs.

La sculpture n’est pas oubliée, avec 1 598 œuvres exposées au sein de la structure. Cette richesse s’explique notamment par le fait que le XIXe siècle a vu la production de sculptures exploser à la demande de la bourgeoisie souhaitant décorer ses demeures et des politiques désireux d’ancrer les croyances. Le monde ne s’est détourné de cet art qu’après 1945, qui connaît un net désintérêt à l’exception de quelques artistes reconnus comme Rodin. Dans des espaces propices et aménagés à cet effet, le Musée d’Orsay permet de ressortir au grand jour de nombreuses œuvres conservées depuis longtemps dans les réserves du Louvre, du Musée du Luxembourg ou de l’Etat.  

N’oublions pas les plus de 45 000 photographies également exposées dans ce musée d’exception, offrant une place de choix aux réalisations de talents comme Édouard Baldus, Christian Bérard, Louis-Jacques-Mandé Daguerre ou encore Céline Laguarde.

Une visite au musée d’Orsay peut donc être motivée par bien des envies, grâce à la diversité des œuvres exposées. Le Bal du Moulin de la Galette constitue néanmoins une pièce maîtresse et à elle seule, une raison de vous y rendre. Pour l’anecdote, lorsque l’œuvre est présentée en 1877 à la troisième exposition impressionniste, le critique d’art Georges Rivière, lui-même représenté sur la scène du Bal du Moulin de la Galette, salue la réalisation de son ami en tant que « page d’histoire, un monument précieux de la vie parisienne, d’une exactitude rigoureuse ». Retrouvez-la vite au niveau supérieur du Musée d’Orsay, en salle 32 !

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